La ville, en tant qu’espace urbain, apparaît comme une problématique organisationnelle particulièrement intéressante. Par sa diversité, sa mise en question pratique et théorique entre immobilisme, fixité, et mouvement, temporalité,…, il s’agit selon moi d’un lieu de rencontre extrêmement intéressant et problématique, en tant qu’il offre une infinité de possibilités et de mises en relations. Par sa richesse et diversité culturelles, sa diversité de populations,…, la ville offre également de multiples croisements, modifications, tensions, créations,…, entre ses populations, développant par là une série de questionnements organisationnel, d’expression du collectif, de centralisation,…, au niveau social, entre autre. C’est ce point qui m’intéresse tout particulièrement et sur lequel je voudrais brièvement partager.
Etant particulièrement mobilisé autour de la question de la place, du rôle, de l’importance,…, des minorités et des personnes marginalisées au sein de nos sociétés, celle-ci m’est apparue particulièrement interpellante et stimulante au sein de ces questions d’organisations en milieu urbain, que ce soit d’un point de vue plus architecturale, ou encore via des questions de logements, d’espace publique, collectif, et d’accessibilité à celui-ci,… Si la ville se pose en effet comme enjeu social, sociétal, et collectif, comme posant des enjeux de vivre ensemble et de cohabitation décisifs, il me semble qu’il s’y passe, et que nous devons y défendre, un enjeu collectif et politique radical, celui des minorités et de la marginalisation dans son ensemble au travers, entre autre, de ses enjeux organisationnels et spatiaux. Dessiner un cadre, un espace, le proposer, marquer dans l’espace, c’est aussi, il me semble, une façon de tenter d’offrir des possibles à nos devenirs collectifs, de proposer de la place et de la mobilité à nos futures possibilités de s’exprimer collectivement, ou plus isolement tout en mettant en jeu le collectif, ou du moins dans quelles possibilités organisationnelles nos futurs défis collectifs s’expriment et tenteront de s’exprimer à l’avenir. Ces défis organisationnels sont multiples : Qu’est-ce qu’une périphérie et quel rôle joue-t-elle ? Comment faire lien dans cet espace grandiose qu’est la ville ?,…
Dans cet ensemble de questions – qui trouvent donc, je pense, un point commun, celui de la composition et du devenir collectif – des particularités pratiques, réelles, mais aussi théoriques, spatiales,… que sont celles des minorités et des marginalisés trouvent toute une importance et une voie infiniment remplie de possibilités. C’est en effet au sein de ces lieux, via ces difficultés, ces expressions, ces affirmations et revendications, que se proposent sans doute selon moi les plus importantes propositions collectives actuelles. C’est au sein de ces mouvements (luttes contre le racisme, contre la « gentrification » des quartiers, contre la discrimination des plus démunis et de leur évictions des centres urbains et des espaces collectifs,…) que se proposent donc les plus importantes, novatrices et créatrices propositions pour dessiner nos futurs compositions sociales, nos futures façons de faire lien,… C’est aussi au sein de ces arrêts, de ces reculs (sans abris,…) que les problématiques minoritaires nous parlent des mouvements à l’œuvre dans nos sociétés et dans nos espaces urbains.
Dès lors, la ville et ses possibles me semblent être un lieu décisif pour que l’on puisse se proposer, ensemble, un devenir collectif qui passe par ces enjeux portés par les minorités d’aujourd’hui et de demain. Inscrire ce qui est marginalisé au sein de nos villes, se proposer d’affirmer ces enjeux collectifs portés par les minorités et les inclurent radicalement au sein de notre pouvoir d’organisation collectif que représente entre autre l’espace urbain, proposer des espaces d’expressions et d’accomplissements aux populations marginalisées pour ne pas uniquement se sortir de la marginalisation, mais pour qu’elles expriment l’infini désir collectif qui est en elles, pour que se travaillent avec elles, via elles, nos compositions sociales, spatiales et relationnelles de demain, voilà pour moi le plus intéressant et le plus grand défi collectif auquel font face nos urbanités.
Par lutte minoritaire, j’entends en effet un besoin d’exister qui, plus qu’être légitime, défie nos manières de faire collectif. Il s’agit donc peut-être d’y faire une place radicale, de se proposer de permettre que ce désir collectif se réalise par le changement ou du moins la mise en tension, en problématique, de certaines de nos manières de penser qui s’accomplissent dans la manière dont nos villes se dessinent. Du questionnement de nos logiques de centralisations, d’exclusivités, au profit d’enjeux et de désirs plus périphériques, plus diffus, plus multiples, plus désireux de mélanges, d’échanges,…, et donc aussi infiniment plus collectifs.
En envisageant cela, de nombreuses idées concrètes peuvent je pense se réaliser, comme par exemple la multiplication des espaces d’expressions d’enjeux minoritaires et collectifs, des logiques d’aménagement urbain dont le défi est de permettre l’existence et l’expression de populations actuellement marginalisées au sein d’espaces urbains et collectifs, de tenter aussi peut-être un investissement des centres, du « centralisé » par ces enjeux, groupes,…, minoritaires pour s’essayer à d’autres pensées, d’autres manières de saisir nos sociétés.
François Schmitz