Le Mundaneum est un centre d’archives et un espace d’expositions temporaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles fondé par Henri La Fontaine et Paul Otlet dont l’origine remonte à l’Institut International de Bibliographie.
Henri La Fontaine reçut le Prix Nobel de la paix en 1913 pour ses différentes implications en faveur de la paix et de l’internationalisme. Son projet le conduisit à imaginer et à participer à la création de la Société des Nations, prémisse de l’Organisation des Nations Unies.
Paul Otlet est considéré comme le père des sciences de l’information. Son héritage le plus durable demeure l’Office International de Bibliographie qu’il crée avec Henri La Fontaine en 1895.
Le socle de cet organisme repose sur un Répertoire Bibliographique Universel qu’ils prolongent avec une bibliothèque et un centre de documentation universel. L’encyclopédie pensée par Otlet et La Fontaine puise ses sources dans tous les supports de la connaissance, sans restriction. Ils redéfinissent le musée qui tient encore du cabinet de curiosités des XVII et XVIIIe siècles.
Cette démarche aboutit après la Première Guerre mondiale à l’inauguration d’un musée d’un genre nouveau sur l’esplanade du Cinquantenaire : le Palais Mondial-Mundaneum (1920).
« ... le Mundaneum, un monument à l’intelligence qui soit à la fois un Musée International, une Bibliothèque Internationale, une Université Internationale,..., il s’agit d’y présenter un résumé du Monde et de faire que, par la puissance même de son unité, une telle création contribue à faciliter et accélérer l’évolution du Monde vers un stade supérieur de collaboration intégrale » (Paul Otlet)
Connecter les Esprits, Construire le Futur
La paix par la connaissance, tel était le projet de Paul Otlet. Permettre l’accès à la connaissance, ouvrir sur le monde, faire découvrir l’autre, sa culture, ses mœurs et sa singularité, rassembler toutes les connaissances du monde, les encoder et les indexer, de telle sorte qu’elles deviennent accessibles quelle que soit la langue de l’utilisateur... certes le contexte de la fin XIXe est différent de celui du XXIe mais les valeurs dont hérite le Mundaneum de 2020 restent les mêmes : construire des « et » plutôt que des « ou », des ponts plutôt que des murs. Les ignorances réciproques étant des freins au mieux vivre ensemble.
Desired Spaces
« Espaces souhaités» tel aurait pu être le titre d’une étude sur les différentes tentatives de Paul Otlet pour faire aboutir son projet de Cité Mondiale...
Son intérêt pour l’architecture découle de celui porté à l’art au sein de sa famille. Son mariage avec Fernande Gloner (1870-1944) le pousse à trouver un domicile qui sied à sa position sociale. Il portera son choix sur l’art nouveau pour le style et sur Octave Van Rysselberghe (1855-1929) pour l’architecture, la décoration intérieure est confiée à Henry Van de Velde (1863-1957). Lors de la construction de l’hôtel Otlet, réalisé dans les années 1894-1896, Octave Maus soulignera dans la revue L’art Moderne, en mars 1900, l’originalité tant du style que de la réalisation. Cette première collaboration avec un architecte influence Otlet durablement. En 1905, lorsqu’il propose l’exploitation touristique des terrains de chasse familiaux à Westende, il s’associera à nouveau à Octave Van Rysselberghe pour ériger cette station balnéaire modèle, inspirée des théories récentes des cités-jardins
Dans sa vision pacifiste et universaliste Paul Otlet œuvre , dès 1910 , à l’aboutissement d’un projet qui lui tenait à cœur : la création d’une ville dédiée à la connaissance et à la paix.
Une ville internationale réunissant des édifices et des pavillons abritant les organisations internationales et intellectuelles de toutes les nations. Nous n’allons pas ici retracer tout l’historique des différentes tentatives de construction de cette cité. Citons seulement qu’elle a bien failli s’ériger à Tervuren sous le soutien d’Albert1e. Ensuite Otlet entreprit de l’installer à Genève, puis à Bruxelles puis à Anvers.. Jugé trop utopique, le projet n’aboutit jamais.
Une cité dédiée au labeur de l’esprit. Véritable écrin aux idéaux de paix, de progrès qui aurait abrité une cité économique, un port, un aéroport, une gare, un stade, un musée mondial dans un environnement essentiellement naturel.
Cette traduction architecturale de la connaissance et de la paix tout à fait inédite a généré des projets remarquables auprès des différents architectes commandités : Hendrick Andersen puis Charles- Edouard Le Corbusier dans un premier temps. De 1930 à 1940, Victor Bourgeois, Huib Hoste, Maurice Heymans et Stanislas Jasinski furent attirés par les idées urbanistes d’Otlet. Tous ces plans sont désormais conservés au Mundaneum.
Nous trouvons ici un projet avant-gardiste initié dès 1910, poursuivit tout au long de la première moitié troublée du XXe siècle qui propose encore aujourd’hui des pistes pour l’avenir.
Outre la question de l’architecture, ce sont les questions du partage et de la sauvegarde de la connaissance, de la mémoire de l’homme, de la connexion entre les peuples et de la mobilité des idées qui sont portées par ce projet.
L’urbanisme comme outil citoyen
Paul Otlet côtoie Patrick Geddes et souhaite intégrer ses principes dans l’urbanisme, discipline qui l’intéresse énormément dans son projet de cité mondiale et sur lequel il écrira plus de 30 articles dont «Sociologie et urbanisme»1. Otlet est convaincu du rôle capital que l’urbanisme et l’architecture jouent dans l’organisation de la société et du vecteur de citoyenneté qu’ils représentent :
« La cité est devenue le centre où s’exercent et s’amalgament toutes les activités de l’homme moderne. La coopération s’y exerce sous toutes les formes, elle y trouve son expression la plus complète et la plus large dans un ensemble d’institutions et de services organisés par la collectivité au bénéfice de tous ses membres.(...) L’urbanisme doit être défini l’art d’aménager l’espace collectif en vue d’accroître le bonheur humain général » 2.
Cette modeste contribution à l’appel ne reflète pas toute l’étendue des travaux et questionnements abordés par Paul Otlet, elle souhaite introduire cependant une réflexion, déjà portée au début du XXe siècle, sur le rôle que l’architecture et l’urbanisme peuvent jouer sur la citoyenneté et sur la collaboration.
Au delà de l’aspect pratique et esthétique c’est le rôle social, c’est le rôle de ferment citoyen qui peuvent être portés par ces disciplines qui est posé. Comment l’urbanisme et l’architecture du XXIepourront dès aujourd’hui favoriser citoyenneté, ouverture au monde, bien-être et épanouissement ?
Les illustrations suivantes témoignent de l’intérêt que Paul Otlet portait à ces questions.
1 Sociologie et urbanisme, paru dans l’Epoque: Architecture, Art, Technique. Organe de l’Union Professionnelle des Architectes sortis des Ecoles Saint-Luc en Belgique (UPSALB), L’Epoque 2 N° 4 (1934): 72-76 et N° 5 (1934): 81-92.
2 Plan Belgique, essai d’un plan général économique, social, culturel. Plan d’urbanisation national. Liaison avec le Plan mondial. Editiones Mundaneum, Bruxelles 1935, page 111
Mundaneum / Centre d’archives de la Fédération Wallonie-Bruxelles & espace d’expositions temporaires
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