PLAN B
alternatives à la vision dominante d’un futur robotisé
Lorsqu’on se penche sur la question du futur de l’habitat, et en particulier sur les imaginaires qui enveloppent la «maison du futur», on se retrouve vite noyé sous un flot d’images lisses et redondantes, dans lesquelles les nouvelles technologies sont omniprésentes. Et pour cause, l’habitat du futur ne se conçoit pas sans nouvelles technologies, et la domotique apparaît comme le chemin le plus court vers un nouvel Eden.
Selon nous, loin d’être anecdotique, cette omniprésence de la domotique en dit long sur le verrouillage de nos imaginaires mais aussi, plus concrètement, sur l’uniformisation galopante de nos modes de vie et de nos espaces.
Nous nous sommes ainsi intéressé·e·s à l’introduction et l’évolution des nouvelles technologies dans nos intérieurs domestiques : réseaux d’objets connectés, appareils électroménagers polyvalents et autonomes, systèmes de commande centralisés... Nous nous sommes penché·e·s en particulier sur la façon dont cette domotique, au delà de son un impact écologique délétère évident, façonne nos environnements intérieurs et nos modes de vie. Par les usages qu’elle convoque évidemment, mais également par une uniformisation esthétique des objets qui nous entourent.
Les visions dominantes de l’ «habitat du futur» (celles largement diffusées par les médias grand public) transpirent les mêmes matériaux lisses, les mêmes couleurs fades, la même lumière immaculée, les mêmes sourires benêts face à des objets toujours plus connectés.
Les codes esthétiques sont toujours les mêmes, montrant une seule et unique vision du progrès technique. On nous vend, selon les termes de Mona Chollet dans son essai Chez-soi, de la «félicité domestique», toujours dans le même emballage. Des visions homogènes qui selon nous neutralisent les diversités esthétiques et verrouillent les imaginaires de manière criante.
La soi-disante révolution que prétend opérer la domotique se borne finalement à répondre, avec beaucoup d’artifices technologiques, aux sempiternelles problématiques de l’habitat sédentaire: Comment gérer la température en fonction des saisons? Comment apporter et moduler la lumière ? Comment gérer les flux d’air ? L’humidité? Le son ? ...
Nous soutenons que ces questions, qui ensemble constituent l’atmosphère d’un lieu et son confort, peuvent trouver d’autres réponses que celles apportées par la domotique actuelle.
Nous souhaitons ainsi ouvrir les champs de ce que peuvent être les nouvelles technologies appliquées à l’habitat, partant du postulat que ces nouvelles technologies justement, ne se résument pas à la robotisation, à la miniaturisation, à l’autonomisation et à la sur-connexion des objets.
Pour ce faire, nous nous intéressons aux matériaux textiles dans l’habitat, comme substitut à certaines de ces technologies. Les propriétés intrinsèques de certaines fibres et la multiplicité des moyens de mise en forme qui existent aujourd’hui (avec notamment l’émergence de nouvelles machines dans les fablabs) nous semble pertinent, d’une part pour repenser les usages, l’esthétique, l’organisation spatiale, l’importance du sensible dans l’habitat, mais également en terme de type de production des objets domestiques, à une époque où les enjeux environnementaux et économiques sont cruciaux.
Nous nous sommes ainsi intéressé·e·s aux besoins primaires qui rythment nos modes de vie et se retrouvent au cœur de l’habitat (dormir, manger, se retrouver, s’abriter, se reposer...), ainsi qu’aux gestuelles et postures qui en découlent (s’allonger, s’asseoir, s’accroupir, marcher...). Partant de ces constats, nous avons pensé des objet-textiles aux propriétés particulières, qui se présentent comme des substituts à certains objets de domotique, et convoquent de nouvelles manières d’organiser l’espace, une nouvelle esthétique, un autre rapport tactile à notre environnement et une autre vision du confort.
Plan B consiste ainsi en un ensemble de scènes fictionnelles, présentant des habitats imaginaires, bâtis autour d’une vision alternative du progrès technique et du confort dans l’habitat.
Pauline Bailay / Designeuse textile
Hugo Poirier / Designer industriel
Studio poirier bailay
www.poirierbailay.com