Pastiche de l’intriguante « Casserole de moules » de Marcel Broodthaers, dont le titre à double-sens évoque aussi bien la moule en tant que sujet-objet et le moule en tant que matrice même du décor, mon projet questionne la notion de frontières, réelles et perçues. Le wagon-restaurant remplaçant les clams pose une double-limite : l’une perceptible, anormale, symbolisée par la cassolette, est une allégorie de la période de confinement sanitaire dont nous sortons, perçue comme liberticide et étrange. Se pose également une autre frontière, oubliée par le sujet, mais non moins concrète : les cloisons du wagon. L’anormale perception de la période de confinement nous venait moins de la sensation de restrictions des actions journalières, que de la contrainte géographique qui nous imposait l’exercice de ces tâches dans un environnement à l’horizon beaucoup plus restreint.
Quand bien même la casserole n’existerait pas pour distraire notre attention, nous ne sommes pas moins prisonniers des mêmes cloisons, des mêmes rituels, des mêmes frontières en somme que la civilisation impose aux instincts : les yeux rivés aux fenêtres à les en oublier, selon la parole d’Eluard, nous abordons le monde d’après... comme avant.
Abdurrahman Kose